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Comment maltraiter une autiste

Je m’appelle Maika Huard. J’ai 28 ans et j’ai reçu un diagnostic d’autisme en octobre 2022 à Montréal, par le Dr G. Grâce à ce diagnostic, j’ai eu droit d’avoir des services pour autistes, soit une travailleuse sociale et une éducatrice spécialisée.

Malheureusement, entre-temps, j’avais fait une demande pour avoir un suivi en lien avec mon anxiété avec une psychiatre de ma région. La rencontre ne se passant pas du tout comme je l’ai espéré, j’ai quitté après seulement 15 minutes, sans prescription. Sommairement, je lui ai fait part de mon nouveau diagnostic en début de rencontre, en lui mentionnant que je pouvais fournir le rapport officiel de la clinique. Puis nous avons parlé du sujet principal, qui se trouve à être mon anxiété.

Étant donné l’échec de la rencontre, j’ai pris à nouveau rendez-vous dans une clinique pour voir une autre médecin généraliste. J’espérais que ce dernier m’aide avec mon anxiété et je lui ai apporté une copie papier du rapport de diagnostic.

À ma grande surprise, il m’a appris que la psychiatre, que je n’avais vue que 15 minutes, avait écrit dans mon dossier qu’elle refusait d’enregistrer le rapport, car, selon elle, je ne suis pas autiste. Elle n’a fait aucun test, aucun examen, et ne m’a posé aucune question sérieuse.

Par sérieuse, j’entends une question qui soit sortie d’un test standardisé. Ces fameux tests permettent de déceler la triche et de déterminer scientifiquement s’il y a diagnostic ou pas.

Le docteur a également refusé de mettre le rapport à mon dossier.

Malheureusement, la médication donnée n’a pas fonctionné du tout. J’ai donc dû prendre rendez-vous à nouveau et voir un autre médecin. N’étant plus capable de travailler vu mon état qui n’avait qu’empiré, j’ai demandé un arrêt de travail.
En effectuant ma demande d’assurance-emploi maladie, je suis tombée sur les demandes de prestations pour les personnes handicapées. Je n’aime pas spécifiquement ce terme, mais avec mon diagnostic d’autisme, de TDAH et d’anxiété, je me qualifie pour cette aide financière. Cette demande doit être remplie par un médecin. J’ai donc repris rendez-vous et je suis tombée sur un autre médecin, prenant soin de lui apporter la copie papier du diagnostic.
J’ai dû m’obstiner pendant 45 minutes avec le docteur pour qu’il accepte de remplir mes papiers, et ce, à mes frais, car ce service n’est pas couvert. Mais je dois revenir les chercher, car il n’a pas le temps. La clinique se trouve à 30 minutes de chez moi en voiture.

Pendant ce temps, j’ai eu 3 rencontres seulement avec les intervenantes du CLSC. En fait, 4, car à la fin février, je les ai appelées en crise de panique. Elles n’ont pas trouvé d’autres solutions que de m’envoyer en psychiatrie, ce qui n’a fait que terriblement empirer les choses.

Une fois sortie, je retourne chercher mes papiers, pour réaliser qu’il n’est mentionné nulle part mon diagnostic d’autiste.

Au lieu de cela, il y a le TDAH, l’anxiété, une… dépression? Trouble bipolaire?! Il est également inscrit que mon état n’est pas permanent et que dans quelques mois, j’irai mieux. Parce que, vous savez, tout le monde peut guérir en quelques mois de l’autisme! (pour ceux qui ne comprennent pas le deuxième degré : c’est du sarcasme). Je rappelle ici que je n’ai toujours pas de suivi médical.

J’appelle ma travailleuse sociale, qui travaille dans le même bâtiment que le médecin en question pour lui demander d’aller lui parler. Que mon diagnostic est 100% valide, fait par un psychologue autorisé à poser des diagnostics dans une clinique justement dédiée à l’autisme. Elle m’a répondu qu’après avoir parlé avec le médecin, elle me confirme que mes papiers sont bien remplis et que je n’aurai pas de problème à obtenir l’aide financière. Ce qui est complètement faux vu que c’est pour une condition permanente.

Ensuite, je n’ai pas repris contact avec les intervenantes, et elles non plus. J’ai appelé le Dr G. qui m’a écoutée dans le respect et a gentiment accepté de remplir les papiers avec les bonnes informations. Mi-mars.

Début avril, j’obtiens un suivi avec une super infirmière du CLSC pour mon anxiété. La première rencontre par Zoom se passe assez bien. Mais lors de la deuxième rencontre en personne, je lui fais part de l’histoire avec la psychiatre et je lui demande si c’est possible de finalement mettre mon rapport de diagnostic à mon dossier. Ce qu’elle refuse elle aussi de faire, mais cette fois, en allant encore plus loin.

Elle me dit que, à son avis aussi, je ne suis pas autiste et que, selon elle, si j’ai pu avoir le diagnostic, c’est parce que j’ai payé pour aller dans une clinique privée.*

Je fais mention alors que cela faisait 3 ans que j’essayais d’avoir accès au test au public et qu’on me refusait l’accès au test à chaque fois.

Elle m’a dit aussi que les personnes autistes ne faisaient pas de tentatives de suicide, ce que j’ai fait il y a bientôt 3 ans.*

Étrangement, j’ai pu trouver de multiples études qui prouvent exactement le contraire.

J’ai quitté son bureau, et le suivi s’est terminé par le même temps. N’ayant toujours pas de nouvelles de mes intervenantes, j’ai rappelé au CLSC pour faire une demande pour avoir de nouvelles intervenantes dans mon dossier.
On me dit qu’on m’a attribué finalement une intervenante. Elle me donne rendez-vous pour le 27 avril à 13h. Je me présente au rendez-vous. Ça se passe plus ou moins bien. Elle me pose des questions pour apprendre à me connaître et puis, vers la fin, elle me dit qu’elle ne sera pas en mesure de m’aider spécifiquement avec mon trouble du spectre de l’autisme.

Apparemment, je n’ai pas de diagnostic officiel, donc je ne suis plus dans le programme pour les autistes.

Étonnée, je lui réponds que oui, j’ai un diagnostic officiel et que normalement, lors de ma demande de service, j’en ai remis une copie au CLSC. Il doit donc être à mon dossier. De quelle façon aurais-je pu avoir accès au programme pour autiste à la base, si je n’avais pas de diagnostic officiel. C’est là qu’elle me parle encore une fois de la psychiatre.
Je lui mentionne que cette psychiatre ne me connaît pas, ni mon dossier et n’a fait aucune évaluation sérieuse avec moi. Mais elle soutient qu’elle ne peut rien faire de plus que de m’aider avec ma santé mentale, n’étant pas spécialiste en autisme.

Donc, encore une fois, je suis au point zéro.

Aucune intervenante spécialisée pour m’aider, aucun suivi, pas de médecin de famille, et les médicaments pour l’anxiété qui ne sont toujours pas efficaces.

J’ai donc entrepris de faire une plainte de service, ainsi qu’une plainte au collège des médecins, pour me faire répondre qu’ils ne voulaient pas s’interposer entre l’opinion de deux docteurs. Étrangement, le médecin examinateur a demandé ma permission pour faire venir le rapport de diagnostic de la clinique du Dr G., car il n’était pas à mon dossier (juin 2023).

Pendant tout ce temps, j’ai perdu mes services et la psychiatre qui a réfuté le diagnostic n’a jamais lu le rapport, puisqu’il n’était toujours pas à mon dossier dans cet hôpital.

Suite à cet échec, j’ai entrepris de faire ré-évaluer mon diagnostic par une psychiatre qui n’avait pas déjà des préjugés envers moi et mon dossier. J’ai discuté avec la Dre C, qui avait préalablement lu le rapport du Dr G.

Deux semaines après notre entretien, Dre. C a produit un rapport de 31 pages expliquant qu’en effet, je suis sur le spectre de l’autisme et que mes troubles de la personnalité sont causées par un diagnostic trop tardif (août 2023).

Avec les nouveaux documents en main j’ai refait ma demande auprès du CRDI. Et ce, chaque mois depuis septembre, mais sans jamais obtenir de réponse ou même d’information à propos des délais.

En novembre, j’ai entrepris de faire une plainte de service avec l’aide d’un organisme pour les personnes autistes de ma région, qui me soutiennent depuis le début dans mes démarches. Mais, la réponse du Commissaire était remplie de mensonges et rien n’était clair.

On dit que j’ai déjà été évaluée par plusieurs psychiatres à l’hôpital de Saint-Georges, ce qui est totalement faux.

On dit que, en décembre, quand j’ai consulté la première psychiatre, mon but était de faire approuver mon diagnostic, ce qui n’est pas vrai, puisque je n’ai pas besoin de confirmation de sa part ni d’aucun psychiatre. En effet, le Dr G. est autorisé à donner des diagnostics d’autisme.

Cela fait plus d’un an que je ne suis pas capable de travailler. J’ai de plus en plus de problèmes de sommeil, je n’arrive plus à me nourrir convenablement à cause de mes hypersensibilités, et je n’arrive plus à prendre soin de moi ou de mes chats. La fatigue continue fait en sorte d’augmenter tous mes symptômes. Et je n’ai aucune aide.

Je vous raconte cette histoire, car, malheureusement, je ne suis pas la seule à avoir autant de difficultés à obtenir des services, qui sont de piètre qualité.

Je me retrouve démunie, toujours sur l’aide sociale, ce qui me donne à peine de quoi payer mes factures.

On dit partout de demander de l’aide. Mais que se passe-t-il réellement quand on le fait? 

Les femmes sont traitées constamment comme des sous-humains par des médecins et il est temps que ça cesse. Nos symptômes sont réels et tout n’est pas de l’anxiété! Le personnel de la santé doit être mieux formé pour travailler avec les personnes neurodivergentes, qu’ils soient masculins ou féminins. L’autisme est un spectre, pas une ligne droite. Si vous connaissez une personne autiste, vous connaissez seulement une personne autiste, pas l’autisme au grand complet. J’en ai plus que par-dessus la tête de me faire maltraiter par des non-autistes qui ont lu des livres sur l’autisme et qui pensent en savoir plus que moi sur ce qui se passe dans mon propre cerveau.

Les services pour les personnes autistes doivent être améliorés, et la seule bonne manière de le faire, c’est en demandant aux personnes autistes elles-mêmes d’aider le personnel de la santé. Même avec la plus grande volonté et le plus grand cœur au monde, vous ne comprendrez jamais réellement ce qui se passe dans notre cerveau. Et si on ne travaille pas main dans la main, des histoires comme la mienne, nous n’avons pas terminé d’en entendre.

Merci

*Note de l’équipe éditoriale

L’histoire de Maika n’est pas une exception. Malheureusement, les femmes sont sous-diagnostiquées et souvent, ne sont pas prises au sérieux. C’est un fait statistique, un problème qui est répertorié et connu.

L’accès au diagnostic prend habituellement plusieurs années et est même parfois impossible. Le privé est une option vers laquelle énormément de personnes se tournent pour obtenir enfin des réponses. Ces diagnostics sont valides et les professionnels qui les posent ont les droits et les compétences pour le faire.

Nous avons été choqués de lire qu’encore en 2024, certains professionnels affirment qu’une personne autiste ne peut pas faire de tentative de suicide. Nous tenons à rappeler que non seulement c’est faux, mais que les personnes autistes sont justement plus à risque.

Extrait du site comprendrelautisme.com

Une seule étude a examiné la mort par suicide chez les personnes autistes. Cette étude a été menée en Suède par Hirvikoski et al. (2016).

En tout, 83 personnes autistes sont mortes par suicide dans leur échantillon. Cela correspond à un taux de 0.31%, ce taux est de 0.04% dans la population générale.

Ils ont identifié le suicide parmi les trois principales causes de mortalité prématurée chez les personnes autistes sans déficience intellectuelle, ce groupe était neuf fois plus susceptible de se suicider que ceux sans TSA.

En conclusion, les démarches (formulaires, appels téléphoniques et suivis) en général, sont plus difficiles à effectuer pour les personnes autistes. Agir de mauvaise foi envers ces personnes, refuser des faits, pour nous, relève d’une forme de torture mentale. Voilà pourquoi nous avons choisi de publier ce texte et que nous soutenons Maika dans sa démarche.