autiste à 73 ans

J’ai été diagnostiquée autiste à 73 ans

J’ai toujours su que j’étais différente. Toute ma vie, j’ai eu l’impression d’être un peu décalée, comme si je regardais le monde à travers une fenêtre légèrement embuée. Mais ce n’est qu’à 73 ans que j’ai enfin compris pourquoi : je suis autiste.

Quand le psychiatre m’a annoncé le diagnostic, j’ai d’abord été sous le choc. À mon âge, on s’attend à des problèmes de santé, pas à découvrir qu’on est neurodivergente ! Mais très vite, ce choc s’est transformé en soulagement. Soudain, toute ma vie prenait sens.

Ces difficultés à comprendre les sous-entendus et l’ironie. Cette sensibilité aux bruits et aux lumières vives. Ces intérêts intenses pour certains sujets, comme les épices rares ou l’histoire locale. Tout s’expliquait enfin.

J’aimerais en parler à mes amis. Leur dire que ce n’est pas parce qu’on est vieux qu’on ne peut pas faire de découvertes sur soi-même. Que ce n’est jamais trop tard pour mieux se comprendre. Mais je suis trop gênée. J’ai peur qu’ils ne comprennent pas, qu’ils pensent que je cherche à me rendre intéressante.

Un diagnostic d’autisme positif !

Pourtant, ce diagnostic a vraiment changé ma vie. Il m’a permis de mieux comprendre mes besoins et mes limites. Maintenant, je sais pourquoi les réunions de famille nombreuses m’épuisent tant. Je comprends pourquoi j’ai besoin de ma routine quotidienne pour me sentir bien.

Surtout, ça m’a aidée à être plus indulgente envers moi-même. Toutes ces années où je me suis sentie inadéquate, maladroite socialement, trop rigide… Ce n’était pas de ma faute. C’était juste ma façon d’être, mon cerveau qui fonctionne différemment.

Bien sûr, parfois je me demande comment aurait été ma vie si j’avais su plus tôt. Peut-être que j’aurais fait des choix différents. Peut-être que j’aurais eu moins de moments de doute et d’anxiété. Peut-être que j’aurais pu mieux m’expliquer aux autres, y compris à mon défunt mari qui ne comprenait pas toujours mes réactions.

Mais je ne veux pas m’attarder sur ces « et si ». Je préfère me concentrer sur le présent, et sur tout ce que cette découverte m’apporte de positif.

Ce diagnostic m’a permis de renouer avec des passions que j’avais mises de côté, pensant qu’elles étaient « trop » intenses. J’ai recommencé à collectionner les anciennes cartes, à étudier l’histoire de ma ville natale. J’assume pleinement ces intérêts qui font partie de qui je suis.

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Bien sûr, tout n’est pas rose. Il y a encore des moments difficiles, des incompréhensions. Mais maintenant, je sais mettre des mots sur ce que je ressens. Je peux demander de l’aide quand j’en ai besoin, sans avoir honte.

L’autisme n’a pas d’âge

J’aimerais dire à tous ceux qui, comme moi, ont reçu un diagnostic tardif : ce n’est pas trop tard. On peut s’épanouir à tout âge. On peut apprendre à se connaître et s’accepter, même après 70 ans.

Et à ceux qui côtoient des personnes autistes, jeunes ou âgées : soyez patients, soyez ouverts. L’autisme n’a pas d’âge. Il se manifeste différemment chez chacun. Ce n’est ni une maladie, ni un défaut. C’est simplement une façon différente de percevoir et d’interagir avec le monde.

Parfois, je me dis que j’aimerais avoir le courage de dire à Ginette, qui ne comprend pas pourquoi je refuse toujours d’aller au bingo : « Ce n’est pas que je ne t’aime pas, c’est juste que le bruit et la foule me fatiguent. » D’expliquer à Carol pourquoi je préfère qu’on planifie nos sorties à l’avance plutôt que de faire des choses spontanées.

Peut-être qu’un jour, j’aurai ce courage. En attendant, j’apprends chaque jour à m’accepter telle que je suis. À 73 ans, je me sens enfin en paix avec moi-même. Et ça, c’est le plus beau des cadeaux.

Mireille, 73 ans, autiste