Est-ce que les personnes autistes peuvent être empathique ?EN BREF
Beaucoup croient, à tort, que les personnes autistes n’ont pas d’empathie. C’est totalement faux. L’empathie des personnes autistes peut simplement être différente. La personne autiste a parfois besoin d’aide pour bien comprendre la situation qui fait qu’elle devrait ressentir de l’empathie, mais elle en ressent. Il est fréquent que les personnes autistes ressentent de l’empathie de manière extrême comparativement aux autres ou qu’elles en ressentent moins. Avant de pouvoir manifester de l’empathie, les personnes autistes doivent d’abord comprendre la situation en cours. Cela représente un défi supplémentaire.

Définition de l’empathie ?
L’empathie est la capacité à reconnaitre et ressentir les émotions et les sentiments d’une autre personne, à arriver à se mettre à sa place afin de comprendre ce qu’elle vit, et ainsi, pouvoir interagir en conséquence.
Il existe trois types d’empathie : cognitive, émotionnelle et compassionnelle.
Empathie
cognitive
C’est la capacité à comprendre l’émotion de l’autre sans la ressentir soi-même.
Exemple : Je vois que tu es content, je comprends ce qui te rend content, même si, dans la même situation, je ne ressentirais pas de joie.
Empathie émotionnelle
C’est la capacité de ressentir l’émotion de l’autre en temps réel.
Exemple : Je ressens moi aussi une douleur en m’imaginant ce que l’autre ressent, et j’ai envie de pleurer.
Empathie compassionnelle
C’est la capacité d’utiliser les deux formes d’empathie précédentes afin de savoir ce que l’autre a besoin, ou comment il faut réagir.
Exemple : Mon amie m’annonce le décès de son chat. Les chats ne sont pas importants pour moi, mais je comprends qu’elle adorait son chat et donc qu’elle ressent de la tristesse. Comme je la vois pleurer, je ressens son émotion, ça me rend triste. Je comprends que dans des situations comme ça, mon amie a besoin que je lui souhaite mes sympathies et que je la prenne dans mes bras.
L’empathie chez les personnes autistes
Il existe un mythe tenace comme quoi les personnes autistes n’auraient aucune empathie.
C’est faux.
L’empathie émotionnelle est très forte chez les personnes autistes. Certains disent même que les personnes autistes ont « des antennes » qui leur permettent de ressentir l’énergie des autres.
Évidemment rien à voir avec la captation des vibrations, on pourrait plutôt parler d’hyperempathie.
Certaines émissions me font mal direct dans le cœur. Parfois, les scènes de malaise font en sorte que je dois arrêter l’émission et me changer les idées. L’émotion de malaise reste dans mon corps pendant plusieurs minutes. J’appréhende même de recommencer l’épisode puisque je sais comment le personnage (et donc moi-même) va se sentir. Il y a même des séries et des films que j’ai dû arrêter et que je n’ai jamais pu reprendre, parce que je vivais en boucle l’intensité de deuil du personnage. Cela m’habite encore quand je repense à ces moments. Vous pouvez donc imaginer comment je ressens les émotions des personnes autour de moi au quotidien… Une seule personne ne se sent pas bien dans un groupe et cela m’affecte énormément.
Mani Lamarre, autiste
L’empathie qui est plus difficile à vivre pour les personnes autistes est l’empathie cognitive. Il est très difficile d’imaginer quelque chose qu’on n’a jamais ressenti. C’est d’ailleurs pour cela que les personnes autistes démontrent de l’empathie en comparant une situation déjà vécue par eux-mêmes afin de s’imaginer l’intensité de ce que l’autre vit.
Par exemple : Un collègue s’est cassé le bras, il décrit comment cela lui fait mal. La personne autiste va alors chercher dans son vécu la fois où elle a eu le plus de douleur afin de s’imaginer ce que cela peut causer comme ressenti de se casser le bras. Elle pourra donc comparer, comprendre et peut-être réagir en conséquence.
Important
Malheureusement, cela est souvent perçu (par la société) comme une marque d’égoïsme, comme si la personne voulait prendre toute la place.
On peut donc penser que l’empathie compassionnelle est aussi plus difficile pour les personnes autistes, puisque l’empathie cognitive n’est pas acquise. De plus, l’empathie compassionnelle est très ancrée dans les conventions sociales, ce qui ajoute à la difficulté pour les autistes.
Empathie neuroatypique
Un phénomène est constaté dans la communauté autistique. Lorsque des personnes autistes discutent entre elles, il est fréquent qu’elles remarquent que, dans ce cercle rapproché, l’empathie n’est pas un problème. À l’inverse, les interactions avec des personnes neurotypiques peuvent être plus difficiles.
C’est un phénomène confirmé par des recherches récentes, où l’on parle de la théorie de la double empathie.
Il est plus facile pour une personne autiste d’entrer en relation avec une autre personne autiste et de la comprendre qu’avec une personne non autiste.
La même observation s’applique aux personnes neurotypiques. Elles communiquent généralement mieux entre elles qu’avec des personnes neuroatypiques.
C’est pourquoi on pourrait parler d’une forme d’empathie neuroatypique plutôt que d’un manque d’empathie.
Et si on regardait l’empathie des autistes autrement
L’empathie neuroatypique serait une forme d’empathie qui est vécue et démontrée de façon différente de l’empathie dite traditionnelle, mais qui est tout autant valide.
On pourrait même pousser le concept de l’empathie chez les autistes en mentionnant qu’il existe des personnes autistes hyperempathiques et d’autres, hypoempathiques.
Comme pour les sens, les personnes hyperempathiques ressentent très fortement les émotions des autres, tandis que les personnes hypoempathiques les ressentent très peu.
Même si l’empathie ne se manifeste pas toujours de manière traditionnelle et qu’une personne autiste peut parfois avoir besoin d’aide pour bien comprendre la situation, elle ressent bel et bien une forme d’empathie neuroatypique.
L’empathie est une compétence qui se développe et se travaille. Bien sûr, tout le monde ne part pas du même niveau. Les apprentissages doivent donc être adaptés aux forces, défis et limites de chaque personne autiste.
Certaines personnes auront besoin d’accompagnement par une professionnelle (par exemple : éducatrice spécialisée, psychoéducatrice, etc.), tandis que d’autres pourront simplement s’informer pour améliorer leurs capacités.

Comment se développe l’empathie ?
Piliers du développement de l’empathie
- Étape 1 : Mieux comprendre les émotions
- Étape 2 : Apprendre à se mettre à la place des autres
- Étape 3 : Reconnaître les situations qui nécessitent de l’empathie
- Étape 4 : Améliorer ses compétences en communication
Fait intéressant
Environ 65 % des personnes autistes vivent avec l’alexithymie, une difficulté à reconnaître et exprimer leurs émotions ou leurs sentiments. Heureusement, cela peut aussi s’améliorer !
Étape 1 : Mieux comprendre les émotions
1. Accueillir les sensations dans son corps
Il faut d’abord apprendre à accueillir les sensations dans son corps, c’est-à-dire prendre un moment de calme. Prendre de grandes respirations et se concentrer sur les différentes sensations présentes dans le corps.
2. Identifier l’émotion reliée à la sensation
Une fois cela accompli, il faut essayer d’identifier l’émotion reliée à la sensation. Voici quelques exemples :
- Sensation de chaleur ou de brûlure dans les bras et les mains : la colère
- Point à l’estomac ou nausée : la peur ou l’anxiété
- Serrement dans la gorge ou la poitrine : la tristesse
Évidemment, chaque personne est différente, et les combinaisons de sensations et d’émotions peuvent donc varier.
3. Relier les émotions aux situations
Maintenant, il faut apprendre à relier les émotions aux situations. Qu’est-ce qui a déclenché cette émotion ? Que s’est-il passé dans les minutes, heures ou jours précédant cette sensation ?
4. Évacuer les émotions de manière saine
Enfin, il faut apprendre à évacuer les émotions de manière saine. Crier dans un oreiller pour évacuer la colère, dessiner ses émotions pour exprimer la tristesse, ou discuter avec une personne de confiance, etc.
Ce processus prend du temps et demande beaucoup de pratique. Il est normal de devoir répéter souvent et régulièrement. Chaque étape doit être bien maîtrisée avant de passer à la suivante.
Une fois que l’on comprend mieux nos propres émotions et leurs manifestations, il devient plus facile d’imaginer et de comprendre celles des autres.
Étape 2 : Apprendre à se mettre à la place des autres
Une situation, deux points de vue
L’empathie cognitive étant souvent plus difficile chez les personnes autistes, il peut être ardu de s’imaginer le point de vue de l’autre.

La personne 1 dit à la personne 2 qu’elle voit des arbres.
La personne 2 pense que c’est impossible, car de son côté de la montagne, il n’y a aucun arbre.
Le cerveau de la personne 1 a plus de flexibilité. Lorsque la personne 2 affirme ne pas voir d’arbres, la personne 1 est capable d’imaginer plus rapidement qu’il y a différentes facettes à la montagne.
La montagne symbolise une situation vécue par les deux personnes, où la personne 2 a du mal à comprendre comment la personne 1 la perçoit.
Développer la capacité de voir une situation d’un autre point de vue
La première étape pour améliorer cela est de prendre conscience de la rigidité cognitive qui peut exister chez une personne autiste. En gardant en tête que la montagne existe, la personne autiste pourra se rappeler que certaines situations nécessitent qu’elle s’arrête, prenne le temps d’essayer de comprendre et envisage l’autre côté de la montagne.
La personne autiste peut alors poser davantage de questions lorsqu’elle prend conscience de cette rigidité :
- Pourrais-tu me donner plus de détails sur la situation et les émotions qu’elle te fait ressentir ?
- Pourrais-tu décrire les pensées qui te traversent l’esprit en ce moment ?
Il est également important que les deux personnes discutent de leurs attentes :
- De quoi as-tu besoin en ce moment ? (Écoute, conseils, présence, etc.)
- Est-ce un bon moment pour que je te parle de mes émotions ?
Étape 3 : Reconnaître les situations qui nécessitent de l’empathie
Il est plus facile pour certaines personnes autistes d’apprendre des scénarios sociaux pour savoir comment se comporter dans une situation donnée.
Cela peut donc être une bonne idée d’identifier quelques situations où il est nécessaire de démontrer de l’empathie et de les apprendre. Pour certains, ce sera par cœur ; pour d’autres, avoir déjà pratiqué un exemple peut être aidant.
Cette étape peut parfois ressembler à du camouflage social. En effet, elle repose surtout sur les attentes de la société. Certaines personnes autistes pourraient ne pas avoir envie de cela, ne pas réussir à le faire ou préférer demander directement à leur entourage quels sont leurs besoins.
C’est totalement correct.
La personne autiste (ou quelqu’un qui l’accompagne dans cette réflexion) devra penser aux situations où elle-même aimerait être accueillie d’une certaine façon :
- Que faire ou dire lorsque quelqu’un nous annonce le décès d’un être cher ?
- Que faire lorsque quelqu’un nous annonce une séparation ?
- Comment réagir face à un déménagement, une réussite scolaire, une promotion, etc. ?
Elle peut y réfléchir à l’avance et même demander l’avis de son entourage pour savoir quelle réponse empathique serait souhaitée.
Étape 4 : Améliorer ses compétences en communication
Que l’on soit autiste ou non, la communication et la connexion restent essentielles pour une relation saine et enrichissante.
En clarifiant nos façons de communiquer, d’apprécier l’autre et d’en prendre soin, on crée des conditions favorables à l’empathie.
Il est donc important de discuter avec ses proches des besoins de communication de chacun.
Voici quelques exemples de besoins en matière de communication :
- Avoir besoin de clarté et de détails
- Pouvoir poser de nombreuses questions
- Lorsque je dis : « J’ai besoin de te parler, as-tu du temps ? », cela est notre code pour une discussion plus profonde.
- Pour bien écouter, j’ai besoin de regarder ailleurs et d’avoir quelque chose dans les mains.
- J’ai besoin d’être préparé à l’avance pour les discussions profondes, etc.
En clarifiant nos façons de communiquer, d’apprécier l’autre et d’en prendre soin, toutes les relations en sortiront grandies.