C'est quoi un comportement alimentaire ?En bref
Un comportement alimentaire, c’est la manière dont une personne agit avec sa nourriture et les habitudes qu’elle a en lien avec son alimentation. Comme tout le monde, les personnes autistes ont des comportements alimentaires variés. Cependant, certains comportements alimentaires sont beaucoup plus communs chez les personnes autistes.
Définition du comportement alimentaire
L’interaction d’une personne avec sa nourriture, et les habitudes alimentaires qu’elle a sont des comportements alimentaires. Tout le monde a des comportements alimentaires. Certains sont sains et équilibrés, d’autres sont problématiques, mais il n’existe pas de recette universelle de « bons » ou de « mauvais » comportements alimentaires. Selon les besoins, les préférences, l’environnement, et la culture, cela peut beaucoup varier d’une personne à l’autre.
Important
Les particularités des personnes autistes peuvent rendre leurs comportements alimentaires différents de la moyenne des gens, mais cela ne signifie pas que c’est mal. S’il n’y a pas de risque pour la santé d’un individu, un comportement atypique n’est pas un comportement à éliminer.
Comportements liés aux particularités sensorielles
La plupart des personnes autistes ont des particularités sensorielles. C’est-à-dire que leur cerveau perçoit certains sens différemment. Manger est une action qui active plusieurs sens : l’odorat, le gout, le toucher, la vue ainsi que la thermoception (perception de la température), et la proprioception (perception du corps). Ces sens nous permettent de comprendre ce que l’on mange et de déterminer si l’aliment que l’on mange est comestible.
Certains de ces sens peuvent être plus sensibles que la moyenne ou être plus performants pour percevoir les détails chez les personnes autistes. Cette sensibilité donnera l’impression à la personne de manger des aliments qui ne sont pas comestibles. Elle sera alors dégoutée et aura la nausée ou voudra vomir. Pour éviter cet état, la personne autiste pourrait adopter un ou plusieurs de ces comportements :
- Manger des aliments séparément (Exemple : du steak, du maïs et des patates au lieu du pâté chinois (plat ressemblant au hachis parmentier)
- Manger toujours la même chose, choisir toujours la même marque de produit
- Prendre de petites bouchées
- Manger uniquement dans un endroit calme
- Craindre d’essayer de nouveaux aliments
Samuel n'accepte pas que les aliments se touchent/soient mélangés, Guillaume aime ça lorsque c’est tout mélangé! On prépare donc le souper dans des chaudrons différents (viande, légumes, riz, etc.) ensuite on remplit les assiettes soit en séparant tout, ou en mélangeant tout! Même repas, mais en respectant les particularités de chacun.
Geneviève 45 ans, maman de deux autistes, Guillaume et Samuel
Comportements alimentaires liés aux routines et rituels
Les personnes autistes préfèrent généralement suivre toujours la même routine. Lorsqu’elles planifient leurs gestes, les personnes autistes ont tendance à découper leur tâche du quotidien en petits morceaux. Ainsi, les personnes autistes vont faire chaque action du quotidien exactement de la même manière. Ce phénomène est parfois appelé rituel parce qu’il ressemble à la façon dont les gens en général répètent les cérémonies importantes toujours de la même manière (Exemple : les mots dits lors d’un mariage par le célébrant sont toujours exactement les mêmes.). Les personnes autistes pourraient avoir une routine fixe pour l’heure des repas, mais aussi manger leurs repas toujours de la même manière.
Une personne autiste pourrait adopter un ou plusieurs comportements similaires à :
- Manger des aliments d’une seule couleur (ex. : ne manger que des aliments rouges).
- Manger les aliments dans l’assiette dans le sens horaire.
- Avoir un rituel personnel (exemple : commencer son pâté chinois par le centre).
- Utiliser toujours les mêmes ustensiles et couverts.
- Manger tous les repas avec des ustensiles (même une pointe de pizza) et toutes les collations avec les mains.
Comportements alimentaires liés aux difficultés motrices
Plusieurs personnes autistes rencontrent des difficultés sur le plan moteur. Certaines personnes autistes vont rencontrer des difficultés avec la motricité fine c’est-à-dire les petits mouvements (exemple : écrire, se brosser les dents, attacher un bouton). Certaines personnes autistes vont rencontrer des difficultés avec la motricité globale, c’est-à-dire les grands mouvements (exemple : attraper un ballon, rouler à bicyclette, emballer l’épicerie). Ces difficultés affectent les comportements alimentaires. La motricité fine est importante pour mâcher et avaler les aliments ainsi que pour certaines tâches liées à la préparation des aliments (exemple : couper les aliments). La motricité globale est importante pour la préparation des aliments (exemple : brasser de la soupe dans un chaudron, vider l’eau des pâtes). Beaucoup de personnes autistes vont développer des astuces pour se faciliter la tâche. Une personne autiste pourrait adopter un ou plusieurs des comportements suivants :
- Manger des repas préparés (Exemple: plat surgeler)
- Préférer des aliments transformés faciles à mâcher
- Acheter toujours les mêmes marques de produit
- Préférer des aliments présentés sous forme de bouchée (Exemple : croquette de poulet)
- Privilégier les aliments liquides (Exemple : yogourt, smoothies, purée)
- Éviter les aliments avec des textures complexes (exemple : préférer le beurre d’arachide soyeux au croquant).
De manière plus rare, certaines personnes autistes trouvent plus facile de manger des aliments qui contiennent des textures différentes. Les différentes textures les aident à comprendre où croquer et comment déplacer l’aliment dans la bouche : les gros morceaux vont sous les dents du haut. Les changements de textures aident à savoir quand avaler : quand il n’y a plus de gros morceaux, la tâche de mâcher est terminée, on peut avaler sans s’étouffer. Ces personnes pourraient adopter l’un ou plusieurs des comportements suivants :
- Choisir des aliments en bouchées qui ont des textures variées à l’intérieur (Exemple : sushi, tomates-cerises, choux fourrés).
- Avoir exactement un item de chaque élément de l’assiette à chaque bouchée (Exemple : piquer un légume, un morceau de viande et un bout de patate sur sa fourchette à chaque fois).
- Mélanger tous les aliments dans l’assiette avant de manger.
Comportement alimentaire lié aux interactions sociales
Manger est déjà une activité riche en sensation qui demande beaucoup de concentration pour plusieurs personnes autistes. En plus de ça, les humains ont tendance à manger en groupe et à socialiser en même temps que de manger. Pour beaucoup de personnes autistes, ça signifie qu’elles doivent faire deux activités qui demandent beaucoup de concentration en même temps. Certaines personnes autistes vont oublier de manger durant les repas pris en groupe. D’autres ne vont que manger, ils ne socialiseront pas. Et certaines n’arriveront pas à manger suffisamment et n’arriveront pas non plus à socialiser. Il y a certains conseils à suivre pour faciliter le moment du repas.
Lorsque je mange en groupe, je digère mal. Habituellement je préfère manger seule, avec un casque d’écoute et il est souffrant d’être interrompue, cela rend difficile la perception de mon réflexe de satiété. Lorsque je mange, j’ai besoin de concentration et de calme.
Valérie Jessica, autiste, 45 ans
Un proche ou un proche aidant peut :
- Accepter que la personne mange seule.
- Accommoder la personne en lui permettant de porter un casque antibruit.
- Éviter de lui parler lorsqu’elle mange.
Une personne autiste adulte peut :
- Manger avant un évènement important (Exemple : prendre une barre tendre avant un souper avec des amis)
- Séparer les moments où l’on socialise des moments où l’on mange durant l'activité
Exemple de séparation des moments : Terminer d’écouter l’anecdote de Benoit puis manger sa salade de choux, puis écouter l’anecdote de Caroline, puis manger ses frites, etc.
J’ai travaillé comme attaché politique à l’Assemblée nationale. J’ai dû participer à plusieurs de 5 à 7 pour rencontrer des gens. J’oubliais tout le temps de manger puisque la tâche était de rencontrer des gens et non de manger. Un jour, j'ai manqué d'énergie dans un 5 à 7 et j'ai perdu connaissance dans les toilettes. J’ai essayé de le cacher à la députée. Ça ne faisait pas trois mois que j’étais embauchée. Je voulais être performante. Mais évidemment, ça paraissait! Je n’avais plus la coordination nécessaire pour manger. Elle m’a vu, elle a regardé mon assiette encore intacte, elle m'a regardé et elle a dit : « toi t'es trop nerveuse pour manger !? ». Elle m’a aidé le plus discrètement possible à couper mon poulet en bouchée et elle m'a gentiment et directement assigné la tâche de manger suffisamment pour ne plus me sentir malade. Malgré mes efforts, je ne suis pas devenue meilleure avec le temps; j’oublie encore de manger. Mes collègues ont développé des astuces pour que j’arrive à manger dans le cadre de mon travail. Comme quoi, ce n’est pas parce que tu as une carrière que tu n’as pas besoin de soutien.
Catherine, autiste
Manger comme comportement d’autostimulation (stim)
Certaines personnes autistes vont avoir des comportements d’autostimulation pour s’apaiser qui sont reliés à l’alimentation. Certaines personnes autistes vont aimer mâchouiller des objets. Les enfants peuvent avoir tendance à manger les objets qu’ils mâchouillent. Cela s’appelle du pica. Certaines personnes autistes ne sentent pas la sensation de satiété (ne plus avoir faim). Ces personnes auront tendance à ne pas arrêter de manger des aliments qu’ils aiment avant qu’il n’en reste plus.
Lorsque j’étais petite, je mangeais du bois pour m’apaiser. Au départ, l’intention n’était que de le lécher pour qu’il devienne humide et que je puisse ensuite l’écraser pour en faire ressortir le liquide, mais je finissais par en prendre des petites bouchées. Les pièces du jeu de Scrabble et les crayons à colorier n’ont pas été épargnés.
Valérie Jessica, autiste, 45 ans