No, I don’t have a gun

No, I don’t have a gun

Ma vie est, selon moi, réussie. Je suis un père de cinq enfants, tous de la même mère. Ma conjointe est à mes côtés depuis 18 ans déjà et, chaque jour, je remercie les dieux de l’avoir mise sur mon chemin. Je travaille comme artiste graphiste depuis près de 20 ans pour la même compagnie. Je suis musicien. Je suis écrivain – je n’arrête jamais d’écrire et de créer. Je travaille présentement sur mon neuvième ouvrage. J’ai tout dans la vie pour être heureux. Et vous savez quoi? Je le suis.

Et le diagnostic tombe

Ce bonheur n’a pas toujours été facile. J’ai travaillé fort pour qu’il soit en moi et je travaille avec acharnement pour qu’il continue de m’imprégner. J’ai passé par des épreuves et j’ai reçu des coups qui auraient pu être évités, si j’avais été une personne dite « normale » – mais ce n’est pas le cas. Pendant longtemps, j’ai souffert de ne pas savoir quel était mon problème, de ne pas avoir pu mettre le doigt dessus pour ainsi apprendre à vivre avec. Toutefois, aujourd’hui, sur le tard – je suis dans la quarantaine –, le verdict est tombé. Un psychologue vient tout juste de diagnostiquer officiellement chez moi, après examens approfondis, l’autisme.

Déjà, j’ai entendu toutes sortes de commentaires à ce sujet… Et, pour ajouter à ma souffrance intérieure, ce sont des commentaires provenant de personnes de mon entourage. Des personnes que je respecte et que j’aime :

« Tu n’es pas autiste, voyons! Tu as une vie normale! »

« Autiste? C’est une maladie mentale! Tu es certain que tu veux t’embarquer dans ça? »

« Pourquoi tu as tant besoin d’être étiqueté? »

« Autiste? Tu es handicapé, maintenant? »

J’ai même entendu ceci :

Ceux qui sont très bons en maths, comme Bill Gates. Tu n’es pas assez bon pour être autiste. »

Je passe maintenant pour un prétentieux!

La puce à l’oreille

Pour ma part, j’ai commencé à sentir ma différence vers l’adolescence. Lorsque je suis arrivé dans une école fréquentée par plus de 1000 individus, c’est là que j’ai compris qu’être différent n’était pas accepté dans la société. Incapable d’aller vers les gens avec facilité, je me suis isolé. J’étais agressé par le bruit, par les odeurs, par tout ce qui pouvait toucher mes sens. La cafétéria était bondée d’informations et je ne pouvais pas tout analyser assez vite, alors j’ai trouvé refuge, pour la majeure partie de mon temps, dans des endroits calmes comme la bibliothèque, où je pouvais enfin retrouver ma quiétude.

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Come as you are

Dans la série d’embuches rencontrées, il y a le côté de la naïveté. Étant dépourvu de l’aptitude naturelle à détecter les imposteurs et les profiteurs et ayant un débordement de sensibilité émotive, j’ai souvent été entouré de personnes qui, un jour ou l’autre, m’ont fait des coups pendables. J’arrive, pour la plupart du temps, à m’en rendre compte, mais cela prend beaucoup de temps et, parfois, bien du mal a déjà été fait.

Le titre de cet article, « No, I don’t have a gun », provient d’une chanson du groupe Nirvana qui s’appelle Come as you are. J’adore depuis toujours cette chanson et mon interprétation personnelle de ses paroles contradictoires exprime la méchanceté des gens face à ce qui est étrange, hors norme, différent. Cette chanson raconte l’histoire d’une société de gens « normaux » qui invite un nouvel arrivant différent – ou justement naïf – dans le but de le convertir ou de profiter de lui : « Viens nous joindre, comme tu es, comme un ami, comme un ennemi, comme je veux que tu sois. Et ne t’inquiète pas, je n’ai pas de fusil. » Le fusil représente l’arme d’intimidation, les paroles blessantes envers les gens qui sont différents.

Si je prends les paroles et que je les applique à ma propre vie, je constate que, contrairement à ce que des personnes m’ont dit lors de l’invitation, elles étaient armées. Elles avaient un fusil et elles l’ont utilisé. Je suis venu comme un ami et je n’avais pas compris que j’étais leur ennemi, dans le fond. Je n’avais pas vu la subtilité et ma naïveté m’a trompé. Comme cela est arrivé souvent dans ma vie, je fais facilement confiance aux gens parce que je ne détecte pas bien ce qui pourrait me donner des indices sur leur hypocrisie.

À toi, mon ami, mon ancien ennemi, si seulement tu pouvais accepter ce qui n’est pas « ta norme », la vie serait tellement plus facile pour tout le monde. Le fait d’avoir été diagnostiqué m’a permis de réaliser ces tas de trucs. Désormais, je peux prendre le problème et mieux le gérer, car je connais tous les aspects que cette différence affecte. Un véritable soulagement.

Pour ma part, je suis une des personnes chanceuses. Ou plutôt fortes. J’ai été capable de cicatriser la plupart de mes cicatrices. J’ai réussi à identifier les personnes nuisibles et à les écarter. J’ai eu la chance d’être bien entouré et de trouver l’amour de ma vie. Et c’est ce qui fait que je suis encore debout. Camouflé sous une armure qui semble robuste, je suis toutefois toujours fragile à l’intérieur.

Ce que je veux maintenant, c’est pouvoir aider les personnes qui sont passées par mon chemin, qui se posent encore des questions sur leur différence et qui pensent être autistes (ou un membre de la famille). Ce n’est pas facile de se sentir comme un extra-terrestre toute sa vie sans comprendre pourquoi. Alors, allez de l’avant pour obtenir un diagnostic de neurodivergence.

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La vie est toujours meilleure et plus facile lorsque nous apprenons à nous découvrir!

La confirmation d’un diagnostic peut servir à comprendre ce qu’on vit et pourquoi on le vit. C’est un énorme soulagement. Comme le disait Socrate : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux. » L’énigme devient moins lourde à porter et la vie est alors plus facile à gérer. Une nouvelle vie commence toujours lorsqu’une partie du casse-tête est trouvée.

Et pour résoudre un casse-tête, pas besoin de gun.

Jon Manitouabe8ich

Écrivain, graphiste, musicien, artisan pour la Paix, la Liberté et l’Amour.